La Horde du Contrevent. Voilà un roman véritablement hors du commun, pas uniquement parce que l’histoire est passionnante dès les premières lignes, également parce que la narration absolument incroyable associée à un style très complexe, hautement recherché, en font un livre qu’il faut absolument lire, sans faute, vraiment, indubitablement incontournable. Une fois que vous êtes prévenus, vous pouvez vous pencher sur la BD que les éditions Delcourt proposent enfin. Je dis « enfin » car ce roman aurait dû être adapté depuis des années, il date quand même de 2004, fait plus de 700 pages en poche, et est devenu culte pour les geeks qui s’y sont essayé. Malheureusement, cette œuvre aussi magistrale soit-elle est aussi très compliquée à adapter, certains comme Forge Animations ont essayé, en vain. Mais aujourd’hui je suis heureux de vous parler de ce premier tome de La Horde du Contrevent, sous-titré « Le cosmos est mon campement », écrit et dessiné par Eric Henninot qui a été soutenu et aidé par l’auteur directement, Alain Damasio.
L’histoire déjà. On parle d’un monde où il n’y a qu’une bande de terre qui va d’ouest en est, au nord et au sud se trouvent des terres gelées totalement inhabitables. Sur cette bande souffle continuellement un vent plus ou moins fort, mais très particulier. En fait, il est presque vivant, ou carrément, ou ne sait pas trop. Ce qu’on sait en revanche, c’est que de l’extrême aval part un groupe de personnes qui se fait appeler la Horde du Contrevent. C’est ce groupe qu’on va suivre, la 34ème horde, celle qui va essayer, comme les précédentes, d’aller jusqu’à l’extrême amont, là où né le vent et où, on le dit, on peut réaliser un vœu. La BD commence au départ de la Horde, quand ils sont encore enfants, tous, car le groupe est grand, près d’une vingtaine de personnes. Rapidement on rejoint la première scène du roman, donc 27 ans plus tard, cela vous laisse imaginer l’ampleur de leur tâche. Une vie, toute une vie à « contrer » le vent comme ils disent.
La première complexité du livre est de proposer beaucoup de personnages tout de suite, et chacun intervient en narrant ou parlant, avec son style. Dans cette BD on est loin de cela, forcément. C’est surtout Sov, le scribe, qui nous raconte, le reste se passe en images et dialogues, parfois repris du livre. Donc si la narration est très bonne, la découpe dynamique, on adhère encore plus aux personnages qu’on s’imaginait comme ci ou comme ça. Dans le livre ils sont finalement peu décrits, du coup je trouve que la perception du dessinateur est très juste. Par contre, la scénarisation a été revue, certainement pour s’adapter au format bande-dessinée, et là les puristes vont crier. Il y a des libertés, pas mal, trop ? Peut-être. Des personnages apparaissent alors qu’ils devaient déjà être là, d’autre partent très vite. Pour le coup l’auteur a vraiment adapté l’œuvre originale pour rendre sa version peut-être plus digeste, plus rythmée. Mais l’essentiel est là : l’ambiance. Quand on lit le roman on est happé par cette atmosphère particulière, ce monde unique où le vent est la base de tout, des croyances aux expressions en passant par les noms. Ici, Eric Henninot a réussi à parfaitement bien retranscrire tout ça dans des dessins majoritairement bien travaillés.
Dessiner du vent doit être un challenge hors normes pour un auteur de BD, et pourtant il a réussi à rendre ses cases intenses. L’acteur principal a toute sa place dans les dessins, il est aidé par des personnages au design très travaillé, sur lesquels on voit la dureté de leur vie de « contre ». Les différents caractères s’opposent dans le dessin de l’auteur, parce qu’ils sont nombreux, ils sont aussi tous très différents et la retranscription est encore une fois à la hauteur.
La Horde du Contrevent est un roman qu’il faut vivre, la BD nous permet de prendre place dans ce monde plus sobrement. Ce premier tome démarre l’aventure comme il se doit, même si le scénario se permet des libertés, l’ensemble est vraiment captivant. Je pense que si vous ne connaissez pas le roman, vous pouvez foncer, vous allez être happé par ce vent venu de l’œuvre originale, qui a travaillé pour finir en dessins abîmés, mais réels. Les fans de la première heure pourraient y trouver une bonne mise en scène, mais sont prévenus, rien ne pourra jamais supplanter l’écriture d’Alain Damasio.
Ce qu’il faut en retenir
Note
Coup de coeur
La Horde du Contrevent en BD est une bonne chose pour permettre aux réfractaires à la littérature de se plonger dans cet univers unique. Les lecteurs du roman peuvent aussi y faire un tour, mais forcément, on y perd presque toute la qualité d’écriture du romancier. Une œuvre à lire avec un peu de recul pour les fans, les autres seront certainement pris de questions qui trouveront des réponses dans quelques tomes.